Des pans entiers de villes vont se trouver modifiés par le début des travaux. Rendant la concertation entre l’Etat et les élus encore plus nécessaire. Exemple à Créteil.
Du tracé au réel. Sept ans après les discours fondateurs sur le Grand Paris, les chantiers de construction des 68 gares du réseau de transports entrent enfin dans une phase active. Première construite, la ligne 15 sud comptera, le long de ses 33 kilomètres, 16 gares dans 22 communes. A Fort-d’Issy-Portes de Vanves, les travaux de génie civil démarrent en avril. Fin févier, Vitry a signé son permis de construire. Champs-sur-Marne a démarré ses travaux de déboisement. L’enjeu de ce « super métro » censé soulager le RER et accompagner la transformation métropolitaine de Paris ne se cantonne pas aux transports. Ces nouvelles gares et leurs terrains adjacents sont un puissant levier de transformation urbaine qui suscite des appétits. Matignon vient de lancer lundi un concours d’architecte international portant sur les quartiers de gares baptisé « les Hubs du Grand Paris », dont les lauréats se verront céder des terrains ou des droits à construire.
Créteil, terrain de jeu des architectes dans les années 60, sera-t-il sélectionné ? La Ville ambitionne en tous les cas de renouer avec son histoire. « Il n’y a plus des centaines d’hectares à bâtir : là, on restructure, on comble les vides, mais certains pans de villes seront plus attractifs. Autour de la gare de l’Echat se trouve un quartier d’affaires un peu obsolète », explique le maire Laurent Cathala. La construction de la gare, accolée au métro et enserrée dans un tissus urbain dense a été confiée à l’agence ANMA (Nicolas Michelin). Parvis, lumière naturelle… L’objectif est de créer de nouvelles connexions et de requalifier le quartier. La gare sera surplombée par 200 logements étudiants, 120 logements en accession et 6.000 m2 de bureaux. Ces travaux seront confiés à un groupement (Nexity, Michel Guthmann architecte, 5 + 1AA et BASE).
Friche de l’hôpital Mondor
Chef d’orchestre de ces projets, la Société du Grand Paris (SGP) s’est vu confier par le législateur une compétence d’aménageur dans un rayon de 400 mètres autour des gares en sus des transports. L’objectif est double : limiter la spéculation immobilière et permettre à la SGP de rentabiliser ses travaux. Car son budget a beau être conséquent, le Grand Paris Express coûte cher, entre expropriations, démolitions, stockage des machines et des déblais. Rien que pour la ligne 15 sud, la SGP a dû racheter 33 hectares. En revendant des charges foncières une fois les gares construites et les voies posées, elle équilibre ses comptes. Sur 16 gares, 11 présentent un potentiel immobilier. A Créteil, elle réaménagera aussi un parking et une friche de 5 hectares rachetée à l’hôpital voisin, le centre Henri-Mondor. Un projet encore en réflexion, sur lequel élus et Etat travaillent de concert « C’est le cas dans la plupart des villes. L’Etat ne dit pas ôte-toi de là que je m’y mette ! Le dialogue est permanent et les élus gardent un vrai pouvoir. En revanche, nous devons leur signifier certaines choses comme le fait qu’on ne peut pas bâtir que des quartiers d’affaires », explique Benoît Labat, le directeur des affaires territoriales de la SGP.
Les acteurs prolifèrent
La concertation est d’autant plus poussée que les acteurs prolifèrent : aménageurs municipaux, opérateurs de l’Etat (hérités de l’ère des villes nouvelles), promoteurs privés. Les aménageurs d’Etat ont la part belle, en particulier pour les opérations d’envergure car les élus préservent ainsi les finances des SEM municipales. « Nous avons recours à des opérateurs divers, cela stimule la créativité », assure Laurent Cathala. Non loin de l’Echat, c’est donc un autre opérateur d’Etat qui a été choisi : Grand Paris aménagement (GPA). « Dans un triangle enserré entre l’autoroute et la nationale, GPA va bâtir entre 1.400 et 1.800 logements et une école. C’est un enjeu technique difficile, le site étant très contraint par la présence de nombreux réseaux et d’anciennes carrières », explique Michel Bournat, le directeur territorial de GPA. Les deux opérateurs d’Etat disent ne pas se sentir en concurrence, et la municipalité garde la main. D’ici à quelques semaines, elle devra trancher. Accepter des immeubles plus hauts pour faire financer l’école par les promoteurs privés ou desserrer l’étau de la bourse municipale ? Sérieux dilemme. Pas sûr que toutes les villes aient autant le choix.
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